Qu'il était bon ce voyage tant dans l'histoire, d'une savante place forte à une motte féodale, que dans la géographie, des rivages de l'océan à leurs vestiges marécageux ! Hervé, fidèle à son habitude, nous avait concocté là des parcours de rêve pour randonneurs sensibles à la beauté des lieux. Clin d'oeil à la période révolutionnaire, nous logions à la Salle du Jeu de Paume ! Notre serment à nous : randonner quelles que soient les conditions météo, et nous avons tenu parole : pluies intermittentes le samedi, pluie battante samedi soir et ciel couvert dimanche...
Nous nous ébrouons donc samedi matin vers Moëze pour une première découverte du clocher anglais à crochets de son église, de la croix hosannière Renaissance de son
cimet!ère, de sa collection de "timbres"... et de sa boulangerie. C'est par un sentier très vite littoral que nous quittons Saint-Froult. Nous cheminons ainsi sur la digue entre rivages de l'océan et marais, vers la Passe aux Boeufs, atteinte à l'heure précise de sa découverte par le reflux. Peu de syndicats d'initiative négocient aussi bien que notre
Hervé-Moïse avec les astres, pour nous permettre de fendre les flots à l'heure dite. L'arrivée sur l'Ile Madame (de Soubise ? abbesse de l'Abbaye-aux-Dames ?) rappelle l'épisode violent de 1794
où périrent ici 254 prêtres réfractaires. Plus loin, les paisibles carrelets d'aujourd'hui
voisinnent avec le puits que les Insurgés avaient dû creuser pour ne pas mourir de soif. Mais à côté de là, le
Fort de l'Ile attira la curiosité de deux de nos compagnons, assurés de ne pas s'égarer sur une île de 78 ha, mais à la recherche desquels nous nous sommes tout de même lancés. L'abri de
l'embarcadère pour Fouras a fait notre affaire pour la pause pique-nique. Nous n'avons pas attendu 19h, l'heure limite de jonction du continent à pied sec, pour jouer les boeufs sur la Passe.
Port des Barques nous a offert son littoral de villas simplettes ou prétentieuses, entrecoupé d'établissements huîtriers ou conchylicoles dont l'inactivité apparente ne laissait pas de nous
étonner. Quelques pas plus loin, la Fontaine Royale dévoilait son architecture classique. Cette belle fontaine à eau douce, destinée à approvisionner les bateaux en partance, était alimentée par
deux sources aux noms bien peu engageants : la Fontaine aux Morts et Fontpourri ! Un détour par l'intérieur nous a conduit enfin à Fort Lupin, qui malgré son nom de fleur, disposait de défenses
bien menaçantes sur la Charente. C'est devant lui que, heureux et étirés, nous avons accueilli nos chauffeurs pour rentrer.
Le repas du soir, comme celui de la veille, fut un délice et le Brouage à Brouage est une adresse à retenir, en plus avouez que cela ne charge pas trop votre mémoire ! Un jeu de questions mis au point par Hervé - et propre à maintenir celle des participants ! - permit de remporter de belles médailles de la Monnaie de Paris dédiées à Brouage. Nous étions deux couples courageux à suivre Hervé pour une découverte by night (and by rain !) des merveilles de la cité fortifiée. La Porte Royale bruissait encore de l'équipage de Marie Mancini qui venait souvent là, dit-on, se languir de son Roi-Soleil... nous partagions finalement les mêmes espoirs ! La dense obscurité et le bruit de l'eau tombant du ciel nous aidaient à imaginer les rivages marins qui, autrefois, léchaient ici les remparts de Brouage. Plus loin, le Magasin aux Vivres, la Glacière savamment éclairés, nous laissaient imaginer la splendeur de cette place forte au XVIIe siècle. La poterne coudée du Petit Port, d'où partaient les barques qui alimentaient en munitions les ilôts fortifiés d'alentour, nous parut facile à emprunter. Malheureusement Hervé chuta sur le dos après une glissade sur ces pierres humides et nous regagnâmes rapidement le Jeu de Paume pour la nuit.
La prudence l'emporta et Hervé admit de confier le parcours du dimanche à Guy. L'objectif était cette fois de parcourir les hauteurs des falaises calcaires qui
constituaient jusqu'au XVIe siècle le littoral marin. Aujourd'hui elles se contentent de dominer les marais de leurs 25-30 m. Nous avons emprunté principalement le GR 360, fort bien balisé,
souvent empierré, enfin une merveille par rapport à la boue de la veille. Les échappées sur le marais ravissaient nos regards. Un arrêt devant le splendide portail roman de l'église de
Saint-Symphorien nous rappela que nous
étions en pays Santon. Ses voussures massives et ses chapiteaux historiés valaient le détour. Mais le clou du parcours fut sans doute la Tour de Broue merveilleusement située à 38 m sur un éperon
s'avançant sur le marais, autrefois l'océan, et occupé depuis le Ve siècle. Rarement le mot de motte féodale a pris autant de sens. Nous avons eu le plaisir d'y retrouver Hervé et Catherine pour
une photo de groupe bien méritée. La descente vers Saint-Sornin empruntait un bois charmant, puis suivait un canal rectiligne où cygnes, hérons, ragondins, vaches et chevaux nous ont accompagnés.
Le traditionnel pot de l'amitié fut partagé au Café-Bar de Saint Sornin fidèlement tenu depuis plus de cinquante ans par le même propriétaire, dans un décor inchangé où le babyfoot
d'époque
fonctionnait encore, mais
seulement avec des pièces de 2 Francs religieusement conservées... Merci Hervé, merci Mauricette, merci à tous !
Les photos de Guy sont ici, les miennes là. Toutes les autres sont les bienvenues. N'hésitez pas à ajouter à ce texte vos propres commentaires sur ce beau week end.