A l’abbaye aux Dames, vendredi soir, nous étions seize randonneurs, pour ce week-end charentais.
Samedi aux aurores : Le temps un peu frisquet au petit matin, mais sous un ciel bleu, nous a offert le spectacle des lambeaux de nuages glissant dans le soleil levant sur les eaux tranquilles de la Charente le long des quais de Taillebourg. L’automne baignait de multitude de nuances du jaune à l’orange les haies et le marais le long de la chaussée St James, d’où nous pouvions imaginer l’étendue des inondations traditionnelles des basses terres le long du fleuve. Port d’Envaux étalait les façades anciennes des demeures des riches armateurs d’autrefois. L’archangélique aiguillonnait notre curiosité, et chacun pouvait rêver de l’attrait des grandes terrasses dominant les bateaux à voile et les gabares emportant les pierres des carrières vers des destinations lointaines. La rencontre d’un ancien remorqueur endormi sous les peupliers coïncidait avec un magnifique panorama sur la façade majestueuse du château de Panloy. Puis ce fut la Château de Crazannes caché par les grands arbres du parc, avec la magie du conte du Chat Botté, et le marquis de Carabas qui aurait préféré que nous fassions la visite plutôt que les photos de la grande façade flanquée d’une tour massive et de fenêtres monumentales. Le charme des villages charentais, des pierres blondes ou blanches, des roses trémières et des lavoirs anciens, s’exprimait totalement dans la traversée de Crazannes. Nous avons déjeuné sur une aire d’autoroute, ce qui nous était assez inhabituel, mais accueillant et confortable. Après la sieste qui s’imposait, nous nous sommes équipés de charlottes et de casques, avant de plonger dans les entrailles des carrières de Crazannes, cachées sous les taillis, mélange imposant de temples incas et de jungles humides, où tant de carriers ont laissé l’empreinte de leurs outils et de leurs passages. Mais peu après avoir repris notre cheminement nous avons pu découvrir une deuxième possibilité de reconversion d’anciennes carrières livrées aux ciseaux des sculpteurs de pierres. Œuvre collective, mystérieuse et fascinante, ce voyage inattendu dans les arts concrets rassemble de grands noms de la sculpture moderne. Enfin nous sommes redescendus près du Paradis vers la chaussée d’hiver qui nous a ramenés au pont de Taillebourg, chargé de l’histoire des vikings, de Charlemagne et de Louis IX, sans oublier les collecteurs de taxes du premier pont sur la Charente.
Dimanche matin, laissant un détachement aux avant-postes du rugby, et une spécialiste des timbres charentais, nous avons démarré de l’église de Fontcouverte, avec sa fontaine voutée, son lavoir à six machines à laver et sa boulangerie-pâtisserie dont nous n’avons pas emporté que l’odeur des viennoiseries (Merci Anne-Marie et Michel). La Font Morillon engourdie sous la végétation attend encore la restauration de sa source, et ne délivre plus qu’un faible filet d’eau, vers le petit lavoir du fond du vallon. Le temps de remonter prendre le vent sur le plateau et nous redescendons dans la forêt pour découvrir une plaque abritant un accès à l’aqueduc souterrain qui approvisionnait la ville de Saintes (et ses santons). En fait les trous de fouilles et les vestiges se succèdent dans le sous-bois puisqu’il s’agit de la liaison de la branche venant des fontaines de Vénérand et de la branche venant du Douet. Il faudra revenir pour plonger dans le sous-sol, mais avec un spécialiste habilité, et des casques ! Tant d’eau ont coulé dans ces galeries au cours des siècles ! Mais les recherches se poursuivent. Après une visite à une troisième utilisation des anciennes carrières (comme dépotoir, abritant toutefois une petite chauve-souris), nous sommes descendus jusqu’à la fontaine du Grand Roc, qui alimente le ruisseau de Rochefollet, et un captage pour les besoins des villages avoisinant. Ces sources ont toujours le même profil : une falaise ou un trou pour franchir la couche de calcaire sous laquelle affleure la nappe phréatique avec plus ou moins de pression. Il commence à faire faim, et nous atteignons l’église romane du Douet, où nous attendent, les supporters déconfits et l’apéritif (au cas où, mais on ne va pas s’en priver pour autant !). Consolés et rassasiés, nous envisageons la location du château du Douet ; nous renonçons devant l’étendue des bâtiments et l’importance des annexes. Le pigeonnier n’a plus de toiture. Nous contournons le parc avant de descendre sur un lavoir en bordure de la branche d’aqueduc qui relie la source de la Gran Font au château qui l’a largement utilisée au cours des siècles, comme le montrent certains entretiens manifestement postérieurs aux romains. Cette cavité aménagée nous permet de pénétrer de plusieurs dizaines de mètres sous la colline pour découvrir la source proprement dite, mais dont le débit est aujourd’hui très faible. Le départ de l’aqueduc souterrain est bien visible et permet d’estimer le travail de romain que les techniciens de l’époque ont dû réaliser. Regonflés par l’usine de remplissage de Butagaz, nous arrivons à Vénerand pour y découvrir la fontaine du moulin et la fontaine-lavoir du village. La fraicheur du fond des cavités, et l’ambiance apportée par cette végétation de mousses et de scolopendres, créent une atmosphère paisible et des dalles glissantes incitant à la prudence. Le moulin étant hélas fermé, ce sont le bruit de la chute d’eau et la certitude du départ de l’aqueduc vers la ville de Saintes, qui font la clôture de cette randonnée d’automne.
Et c’est à l’ombre de l’Arc de Triomphe que nous nous séparons, non sans constater que les textos modernes ne le cèdent en rien au laxisme des gravures latines qui pour beaucoup sont de l’hébreu !
quelques photos de Michel dans la
galerie générale et le reportage complet est là