LES ESTABLES 10-12 MARS 2023, NIVEAU 2
RENDEZ-VOUS DANS LE TRIANGLE DE LA BURLE
C’est à nos risques et périls que nous avons cheminé dans le pays de Mézenc !
Il y a dit-on une zone proche des Estables où la boussole perd son nord magnétique. Le fait est qu’au moins six avions militaires ou civils se sont crashés dans la commune entre 1964 et 1971, sans explication plausible. Une seule survivante qui deviendra pilote en 2002.
Bien sûr nous avons les cartes pour traverser brouillard et nuages, mais savez-vous que le premier envoyé de François Cassini de Thury aux Estables en 1785 pour mesurer les sommets d’alentours fut tué comme sorcier à la vue de ses instruments de mesures ? Si ils avaient vu nos GPS, nous aurions probablement eu le même sort !
La burle est une spécialité endémique associant le vent du nord glacial à la neige avec excès de l’un et de l’autre. C’est le vent qui isole les fermes certaines années pendant de longues semaines, humains et bétail vivant en autarcie sous les toits de lauzes ou de chaumes. Pour nous, touristes c’est le vent qui habille les arbres de givre, les fait plier et les figent en pénitents du Mézenc. Mais nous avons eu plutôt des vents d’ouest et pas de neige.
Le samedi matin, nous remontons le chemin qui longe notre hébergement (1400m) en direction de la Croix de Peccata. Peu avant la Maison Forestière, station météo jusqu’en 1958, nous partons par les prés vers la Ferme du Mézenc (1500m) créée par les Chartreux au XVIII° siècle. Les derniers fermiers ont tenu jusqu’à leur départ en 1971 le registre des relevés météo quotidiens. La ferme a brûlé en 1985. La ruine présente encore les caractéristiques des fermes créées par les moines depuis le XI° siècle : des fondations profondes en pierres, un accès central abritant le point d’eau constitué d’un puits ou d’une source, sur un côté un bâtiment allongé pour le bétail avec un accès à l’étage pour les stockages de paille de foin etc par une rampe appelée montadou, en vis-à-vis le bâtiment d’habitation des fermiers et des familles des employés avec un étage. Tout était agencé pour pouvoir tenir une partie du temps en autonomie. Certaines fermes engageaient même un jeune étudiant pour faire l’enseignement aux enfants pendant l’hiver.
Nous rejoignons la lisière de la forêt près de la Maison Forestière et partons rejoindre la Croix de Peccata (1569m) . Peccata était le surnom d’une famille Giraud, et la Croix plantée au pied du Mézenc, à la limite des communes de Chaudeyrolles et des Estables, résultait d’un vœu suite à une survie miraculeuse. Cette Croix initiale (1870) était taillée dans une lauze, et a depuis été remplacée par l’actuelle croix de granit.
La route forestière descend tout droit vers les Dents du Diable, trois « dykes » alignés au nord du Mézenc et dominant la vallée du Lignon. C’est le pic central qui nous accueille, la Roche Pointue (1539m) , qui tarde à sortir du nuage, est maintenant un site d’escalade. Après une petite pause nous empruntons un sentier qui se glisse sous sapins, hêtres et bouleaux jusqu’au pied du Chastelas (1506m) . La prairie qui s’ouvre devant ce roc portait autrefois le Château du Mézenc, encore visible à la fin du XIX° siècle, mais dont il ne reste rien pour un œil non averti. Le dyke supportait un donjon avec quatre étages. Une enceinte dominait un fossé du côté ouest, et au moins cinq bâtiments ont été révélés par les fouilles au niveau de la basse-cour, datés entre XI° et XV° siècle. Il fut abandonné au début du XVII° siècle, et servit de carrière pour les hameaux environnants.
Bien sûr le Chastelas n’a pas révélé tous ses souterrains ni toutes ses légendes : les gaulois auraient déjà fortifié le Chastelas, et le trésor des rois du Velay, gardé dans les souterrains par des druides, aurait échappé aux envahisseurs romains. De même le trésor ramené de la première croisade par le chevalier Arnulphe descendant du consul romain Ursus, doit toujours être dans le souterrain d’accès à la citerne. La clef d’accès en forme de croix ornée de diamants que le fantôme d’Arnulphe promenait autour du château la nuit de Noël, lui a été arrachée par un paysan plus hardi. Mais celui-ci n’a jamais su trouver la porte de la caverne et ce trésor est aussi sous les vestiges du château !
Pour l’heure nous sommes repartis les poches vides vers la Grosse Roche (1544m) , beaucoup moins spectaculaire que les deux autres dents. Par les pistes de ski de fond, nous sommes revenus pour pique-niquer à proximité du col de Peccata.
Par le chemin de la Costebelle, nous sommes parvenus au col de la Plonge (1580m) au pied du Mont d’Alambre. La Croix qui marque la croisée des drayes a remplacé la croix de granit d’origine abattue par la foudre dans les années 60. Cette croix rappelle la mort de deux frères un siècle plus tôt. Partis de la ferme de Jacassy près des Estables pour rejoindre celle des Bastides à moins d’une heure par ce col, les deux jeunes hommes de 19 et 22 ans ont été pris par la burle et n’ont été retrouvés que trois mois plus tard lors du dégel.
La montée au soleil par les pistes de ski (encore blanches par plaques) du Mont Alambre, nous a permis, au-delà des remontées mécaniques, d’accéder au sommet (1691m) près d’un faisceau d’antennes, et de découvrir le panorama sur toute la région. Dans les lointains chaînes des Puys et Mont du lyonnais, plus proches le Mézenc, Roche Tourte, les Estables juste en-dessous de notre belvédère.
Nous finissons notre périple en bouclant le tour du Mont d’Alambre, par les chemins forestiers, sous les grands pierriers granitiques verdâtres formés par les érosions glaciaires le long du cône du volcan d’origine. En passant le long des luges sur rail et de la petite piste école où les canons à neige entretiennent un domaine réduit skiable, nous arrivons à notre Chalet du Mézenc. 17,9 km 615 m
Dimanche matin, vents et humidité au départ, mais la météo nous annonce le soleil en milieu de matinée avec diminution des efforts d’Eole. Donc les deux groupes partent pour le Mézenc. Les randonneurs niv2 partent par le chemin de Jacassy. Ce nom désigne la butte qui précède la Maison Forestière, mais aussi la ferme inhabitée mais entretenue qui domine Les Estables. Le long d’une lisière de mélèzes, nous progressons jusqu’au voisinage de la ferme habitée de Francillon superbe face au plateau des Estables. Un peu plus bas nous apercevons les Plantins, également restaurée et habitée. Toutes ces fermes suivent la description générale de la ferme du Mézenc dont les ruines sont visibles un peu plus au nord. A travers les pâturages dont la plupart des fils de clôture sont posés au sol, nous gagnons la lisière de la forêt au niveau des reliefs d’un pierrier ancien. Toute cette prairie est dédiée au kite-ski … dont les ailes multicolorent le champ de neige l’hiver mais pas aujourd’hui ! Les herbes sèches grillées par la neige les mois passés laissent identifier les tiges de la cistre ou fenouil des Alpes typique de la région, et porte bannière du « gras fin » du Mézenc . Les ruisselets coulent parfois sous une couverture de névé, ou se répandent à travers la prairie.
De la lisière de la forêt le panorama est grandiose, les nuages marquent le pas et promettent une bonne visibilité lorsque nous serons là-haut. Un chemin descend face à nous, se faufile dans la forêt, parfois chargé de neige ou de glace, mais plus fréquemment de boue. Attention aux glissades. Notre sentier monte au droit vers la liaison avec les sentiers de Peccata et des Boutières. Au-dessus, le chemin dégradé par la fréquentation, a été entièrement aménagé, limité et empierré. Le vent qui souffle toujours entraîne des lambeaux de nuages froids. Nous arrivons ainsi à la Croix du Mézenc (1744m) sur le sommet nord, de son vrai nom le Vieux Puy (Peï Veï en patois).
La première croix, en bois, est celle de l’évêque du Puy en 1852. Trois « refuges » ont été créés et détruits par les intempéries près de cette pointe : en 1908 avec découverte de monnaies gallo-romaine et du socle de la première croix, puis celle du CAF en madriers de bois incendiée en 1942, puis en pierre couverte de lauzes par des scouts bâtisseurs qui durera jusqu’en 1960. Au retour des prisonniers de guerre en 1945, une croix de bois de 500kg montée à bras par des équipes de 20 personnes, est dressée et illuminée. Cette croix sera abattue par la tempête fin 1953. Dès l’année suivante l’actuelle croix de fer de 1100 kg, sera grimpée au sommet sur un char à bœufs. Inaugurée en grande pompe sous la gouverne des associations locales de prisonniers de guerre. Bon, pour l’instant, nous pouvons témoigner qu’elle résiste au vent comme à son premier jour.
Nous nous mettons à l’abri sous le vent de la croix, en attendant l’autre groupe, et le départ du nuage. La photo de groupe en haut de la pointe de la Croix du Mézenc immortalise le moment. Les deux groupes poursuivent leur séjour sur le toit de la région en allant sur les tables d’orientation qui jalonnent le deuxième sommet du Mont Mézenc (1753m). Même le Mont Ventoux est visible dans le lointain ! Nous révisons un peu notre géographie depuis ces belvédères naturels.
Les deux groupes descendent ensuite au Col des Boutières (1502 m) pour pique-niquer face au cirque éponyme. Une table d’orientation nous informe sur les multiples « sucs » qui garnissent ce cirque volcanique puis glaciaire. A noter que lentement l’érosion réduit les sucs en poudre (!). Le Mont Gerbier des Joncs, qui n’est qu’à 8 km à vol d’oiseau, est caché par le Massif du Chaulet. Au col la Croix de Boutières, remplacée au cours des siècles, existe depuis au moins 1256, comme limite administrative. Sa dernière chute puis résurrection date de 1960.
Le retour vers notre Chalet se fait à travers les prairies, en passant par la ferme du Mézenc puis en esquivant la butte de la Jacassy, par la ferme de la Jacassy. La météo est belle, le séjour s’achève, le printemps se profile. 10,3 km 423 m
Anne-Marie et Hervé